Les fake news n’ont rien de nouveau. Propagande, mésinformation, désinformation : qu’elles soient délibérées ou accidentelles, elles font partie de l’information depuis toujours.
Prenons un exemple particulièrement réussi (ou particulièrement catastrophique !) : au début du XXe siècle, c'est le journalisme jaune — un surnom donné en 1985 au sensationnalisme donnant priorité aux profits commerciaux plutôt qu'aux reportages véridiques — qui fut à la source du conflit entre les États-Unis et l’ Espagne.
Bien que les informations mensongères et le journalisme de bas étage aient toujours existé, leur influence s’est vue décupler avec l'avènement des réseaux sociaux. Une étude réalisée par le Pew Research Center révélait même récemment que les fake news étaient considérées par une grande partie des Américains comme un problème plus important que le racisme, l’ immigration clandestine ou le terrorisme.
Qu’est-ce qui fait des fake news une problématique majeure ? Puisqu’une grande partie de la population s'accorde à dire qu’elles constituent un vrai problème, pourquoi les lire, les partager, voire les promouvoir ? La première raison, c’est que les fake news ne se contentent pas d'afficher un contenu trompeur ; elles se servent aussi de nos opinions et de nos idées préconçues.
Raison no. 1 : le phénomène de propagationLes véhicules de propagation des fake news les plus courants sont les réseaux sociaux. Ce mode de transmission d’une personne à l’autre est non seulement incroyablement rapide, il repose en outre sur la confiance.
Dans la majorité des cas, nos amis sur les réseaux sociaux sont des gens en qui nous avons confiance et nous sommes donc portés à donner crédit aux informations qu’ils partagent. Autrement dit, les fake news se servent de la confiance que nous accordons à nos familles et amis pour nous inciter à les croire.
Lors d’une étude réalisée au Royaume-Uni, un participant sur six a admis prendre pour argent comptant tout ce que ses amis partageaient sur les réseaux sociaux. Cette même étude a également démontré que les informations lues sur Facebook étaient considérées comme plus fiables que celles publiées par de véritables spécialistes.
En résumé, les fake news se servent de la confiance que nous vouons à nos proches pour éliminer nos doutes et se soustraire ainsi à un examen trop approfondi.
Raison no. 2 : le renforcement des idées préconçues (biais d’opinion)Les fake news tirent parti des réseaux sociaux d’une deuxième façon : sur internet, nous communiquons majoritairement avec des gens qui pensent comme nous. Ajoutez des algorithmes programmés pour vous proposer du contenu en accord avec vos opinions, et vous obtenez ce qu’on appelle une bulle de filtrage.
Ce phénomène fait partie du mécanisme de confirmation des préjugés qui nous pousse à explorer et à croire toute information susceptible de renforcer nos propres opinions. Les gens n’ aiment pas avoir tort : les réseaux sociaux s’efforcent donc de minimiser les situations susceptibles de les confronter à des idées contraires aux leurs.
En pratique, cela signifie que les fake news que l’on rencontre sur les réseaux sociaux ont tendance à renforcer nos partis pris et, de fait, ne font pas l’objet d’un examen aussi approfondi que les informations qui nous dérangent. Elles sont donc facilement acceptées et même partagées, multipliant ainsi le phénomène de propagation.
Raison no. 3 : Le renforcement des hypothèses tangibles (biais de publication)Les fake news ne se contentent pas de renforcer nos préjugés, elles utilisent un deuxième type de préconception : le biais de publication, défini comme un favoritisme envers les résultats confirmant une hypothèse existante.
En effet, on a constaté que les recherches académiques dont les résultats ne sont pas significatifs et ne prouvent donc pas la véracité d’une hypothèse sont rarement publiées, même si on sait que des résultats nuls ou réfutant une hypothèse peuvent avoir tout autant d’importance que ceux qui la confirment.
Les auteurs de fake news n’hésitent d'ailleurs pas à offrir des preuves de ce qu’ils avancent, même s’il leur faut pour cela les fabriquer de toute pièce. C'est notre prédisposition à nous intéresser et à nous investir dans des résultats démontrables qui les rend si convaincantes.
Raison no. 4 : Sensationnalisme et simplicitéLa majorité des actualités n’a malheureusement rien de captivant. Malgré leur considérable impact sur le quotidien, les réunions de votre conseil municipal ou les débats concernant les politiques fiscales semblent généralement dénués d’intérêt.
Les fake news, elles, visent le sensationnel. Elles racontent une histoire généralement spectaculaire. Les fake news rapportent des scénarios simples, extrêmes et grandioses. L’une des techniques employées par les auteurs de fake news consiste d’ailleurs à rendre sensationnel un évènement relativement ordinaire à grand renfort de vocabulaire superlatif, d’exagérations et d’informations mensongères.
Les sujets favorisés par les fake news sont ceux qui choquent et engendrent des émotions nous poussant à les partager sans examiner les faits de trop près.
Les fake news ne stimulent pas la réflexion, et l’avantage d’un récit simple mais sensationnel est qu’il ne demande pas un raisonnement très approfondi.
ConclusionCe n'est finalement pas une formule magique qui permet aux fake news de circuler aussi rapidement. Elles utilisent simplement les préconceptions que nous avons tous. Le lapse de temps accordé à un lecteur pour décider de croire ou non ce qu’il lit est aujourd’hui tellement court qu’il devient très facile de propager un mensonge captivant.
La seule défense qui nous reste contre les fake news est la plus grande vigilance. Prendre le temps de vérifier la source d’une info avant de la partager et apprendre à reconnaître les faits non vérifiables sont des comportements essentiels. En outre, l’outil Newsguard peut vous aider à identifier la légitimité d’une source sans avoir à jouer aux devinettes.
Malheureusement, la vérité ne peut pas s'appuyer sur les préjugés pour fasciner son lectorat. Les faits ne tiennent pas compte des opinions, et c’est bien pour cette raison qu’on refuse souvent de les entendre.
« Le mensonge vole ; la vérité le suit en boitant… », disait en 1710 Jonathan Swift. C'est encore plus vrai dans le monde connecté.